L'amour courtois

L’amour courtois ou fine amor s’est développé au XIIème siècle et a eu un grand retentissement dans la littérature au Moyen Age, au XIIème et au XIIIème siècle.

Alors que le nord de la France pratique l’épopée, avec La Chanson de Roland en particulier, le sud découvre la poésie courtoise.

Définition

« Courtois » est un adjectif qui signifie « propre à la cour ». La terminaison en –ois exprime l’appartenance à un groupe.

« Cohortem » (latin classique) a évolué en « curtem » (latin médiéval) puis en « cour(t)».

Cohortem désignait :

     La cour, le parc à bestiaux, la basse-cour

     Puis un domaine rural

     Dans le domaine militaire, une division du camp et les troupes qui la composaient

     Puis une subdivision de la légion romaine

     Le groupe qui assiste quelqu’un dans ses fonctions d’autorité

Une séparation s’est finalement faite entre les deux homonymes :

     « Cour » : cour de ferme ou domaine rural

     Et « cour  » : entourage d’un grand. L’adjectif « courtois » est né de ce dernier terme.

« Courtois » désigne d’abord les valeurs militaires de prouesse et de vaillance. Le terme de courtois et celui de preux auquel il est souvent associé, apparaissent dans La Chanson de Roland. Un personnage courtois s’impose par la force en prenant des terres, par exemple. 

Au milieu du XIIème siècle, à l’époque d’Aliénor d’Aquitaine, de grands changements se produisent. Les cours sont plus riches qu’elles ne l’étaient. La vie mondaine se développe dans les cours seigneuriales tandis que l’économie et la culture connaissent un renouveau.  Par conséquent, l’horizon idéologique de la classe dirigeante change ; il est marqué par la force, le raffinement de la cour. Tout cela est typique du milieu des Plantagenêt ou l’on fait un effort pour s’intéresser à autre chose qu’à la guerre et à la politique.

Note : Aliénor d’Aquitaine est la petite-fille de Guillaume IX d’Aquitaine (souverain et troubadour). Elle est d’abord duchesse d’Aquitaine, puis comtesse de Poitou (dans le Sud-Ouest de la France). Elle se marie à l’âge de 15 ans avec Louis VII qui récupère un poids théorique sur le Sud-Ouest. Il va répudier son épouse, ce qui est une erreur politique de sa part puisque cela va amener les guerres. Aliénor d’Aquitaine se marie ensuite avec Henri II Plantagenet. Quand elle va s’installer en Angleterre, leur cour devient un foyer littéraire productif. Henri attire des clercs de langue latine et des auteurs de langue romane.

Courtois désigne la cour et les personnes qui appartiennent à la cour (le seigneur, son épouse et leurs serviteurs) par opposition aux  vilains, au peuple, qui vivent autour du château. Les gens qui vivent à la cour sont des courtois, des nobles, des personnes qui ont des qualités de générosité, d’élégance, de politesse mondaine. Un courtois est noble parce qu’il est raffiné.

Dans la littérature courtoise, le terme a une autre acception. Il désigne une idéologie et un fait de civilisation : le développement, au XIIème siècle, d’un art de vivre à la cour, au sein de laquelle la femme occupe désormais une place privilégiée. Se développe la fine amor, un art d’aimer inaccessible au commun des mortels. C’est aussi l’affirmation de valeurs, telles que la loyauté, la générosité, la sincérité.

Ainsi le héros courtois doit se battre, mais il fait également preuve de sagesse et de générosité. De même,  le chevalier défend des terres et des valeurs d’ordre moral, la justice et l’honneur.

Alexandre le Grand, le protecteur d’Aristote, est alors un modèle à suivre.

Le modèle de la vie courtoise est la cour du roi Arthur. Elle est un modèle de sagesse. Mais cet idéal est difficile à réaliser dans la pratique, car le monde grouille de dangers (le péché, la question de l’adultère, etc.). Il est difficile que tout soit en ordre et à sa place.

Le héros ne met donc plus son courage à la disposition de son roi, mais de sa dame, dont il veut conquérir le cœur.

Tout cela se déroule dans un univers où le merveilleux se mêle à l’amour et aux épreuves.

Politique et courtoisie

La chevalerie désigne :

        Les anciens seigneurs, les nobles

        Les nouveaux nobles, la classe à cheval, les chevaliers qui doivent souvent se battre pour obtenir quelque chose parce qu’ils ne sont pas nés nobles. Les chevaliers, par leur bravoure et leur fidélité, finissent par trouver une place et par se marier. La chevalerie et la noblesse qui a des difficultés sont ce qui intéresse le plus dans les romans.

Les femmes et l’amour

L’amour est vu négativement et les tendances de l’époque sont à la misogynie. On considère qu’il est dangereux d’aimer (Eglise et Eve pécheresse, Hélène de Troyes) et que l’amour est une maladie. Dans la tradition bretonne, la fée est  un personnage dangereux. Elle coupe le héros de sa famille et des siens.

On considère que l’amour est une puissance fatidique qui mène à la déchéance et à la mort.  Les personnages féminins sont ainsi marginalisés, censurés. D’ailleurs les milieux masculins et féminins sont séparés.

Cette vision serait fausse si nous ne nous référions pas à la poésie lyrique où l’amour est une valeur suprême. L’amour courtois se nomme  fine amor  dans le Midi de la France. « Fine » signifie parfait, perfection. L’amour est porté à son plus haut degré de perfection, de pureté. Il s’agit d’un amour parfait. La fine amor contient l’idée que l’amour est source de perfection, qu’il rend meilleur et qu’on peut s’y adonner librement. Un personnage ne peut pas être courtois s’il ne rencontre pas l’amour et la féminité. Sans amour, l’homme courtois est incomplet. Pour les troubadours, sans amour, on n’est rien du tout.

La fine amor est une valorisation de l’amour.

La fine amor donne à la femme une place d’honneur dans la société et dans la relation amoureuse. Elle revalorise le sentiment amoureux et implique que l’amour est lié au mérite et s’exerce entre gens de qualité. A partir du moment où les hommes et les femmes discutent, on peut parler d’amour dans un cadre courtois. Mais il existe des lois. De là tout un système d’obstacles, de règles, d’épreuves auxquels le chevalier doit se prêter. Lancelot et Guenièvre au contraire s’aiment au détriment des lois.

Le terme d’amour courtois n’est pas médiéval. Gaston Paris (médiéviste français) a créé en 1883 l'expression « amour courtois » en remplacement de l’expression médiévale occitane fine amor.

Caractéristiques de l’amour courtois

La fine amor est adultère :

      L’amour repose sur le libre don de la dame. La dame est en général mariée, souvent épouse du seigneur, mais pas toujours. La dame aimée doit en tout cas être d’un rang social plus élevé que l’amant et la relation amoureuse reproduit métaphoriquement la relation féodale qui lie le vassal à son suzerain. Cette dame est un absolu de perfection. Une dame parfaite peut avoir plusieurs amants.

      Pour l’homme, il repose sur la nécessité de conquérir sans cesse un amour qui ne lui est jamais dû. Cette relation est inégale. L’amant aspire à son amélioration et la dame doit rester inaccessible. L’amant est aspiré vers le haut. Mais si l’amant atteignait la dame, les efforts d’aspiration retomberaient.

       Cet amour implique le secret et la discrétion de l’amant.

L’amour courtois n’est pas platonique. Il tend, au moins dans l’imaginaire, à s’assouvir physiquement. Lamant doit mériter le « don de merci ». Ce mérite implique une fidélité parfaite de l’amant.

Lancelot est l’incarnation de la fine amor.

La fine amor a des conséquences négatives : l’adultère, le désordre. Elle va d’ailleurs entraîner la guerre et la déchéance d’Arthur.

A côté de la fine amor, il existe des formes d’amour dévoyé, perverti.

De nos jours

La notion d’amour courtois  se limite à une époque.

L’adjectif « courtois » continue à qualifier un comportement de politesse raffinée en société. Depuis le XVIème siècle, ses synonymes sont poli, politesse, civil, civilité.

La fiche que je vous propose fait le point sur l’origine du mot « courtois » et sur les caractéristiques de cet amour : L_amour_courtois