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  • Professeur particulier de français en Allemagne, à Berlin, j'ai créé ce blog afin de vous aider à enrichir vos connaissances en littérature et de vous apporter des outils pour progresser.
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23 janvier 2021

La représentation théâtrale au XVIIème siècle

Il est important de ne pas oublier que la représentation théâtrale a évolué au fil des siècles. La manière de jouer, les circonstances qui entouraient la représentation, ont pu influencer l’écriture d’une pièce et en orienter la lecture et la compréhension.

 

Cet article est inspiré de l’ouvrage de Jacques Scherer, La Dramaturgie classique en France

 

Les vêtements

Au XVIIème siècle, les acteurs portaient les mêmes vêtements que le public, et cela ne surprenait personne. Lorsque le théâtre était pauvre, les costumes étaient également pauvres, notamment au début du siècle ou dans les troupes de campagne. Les costumes s’enrichirent par la suite grâce aux dons des grands seigneurs. Les acteurs étaient vêtus comme des bourgeois, des hommes du peuple ou des seigneurs selon l’argent disponible.

Les costumes deviendront peu à peu somptueux et modernes. Ils serviront à habiller les héros antiques, comme Polyeucte, de Corneille : sur le frontispice de l’édition originale, Polyeucte porte un chapeau à plumes. Voltaire écrit avec ironie à ce propos : « Polyeucte, avec des gants blancs et un grand chapeau, ôtait ses gants et son chapeau pour faire sa prière à Dieu. »

Voltaire se battra pour que les comédiens de son temps soient vêtus de costumes mieux adaptés aux pièces représentées.

                                

Le décor

Il en va de même pour le décor. Le public aimait voir représentés au théâtre des lieux qu’il connaissait bien. Il appréciait les scènes où l’on voyait représentée la boutique du mercier, de la lingère, du libraire. Les palais peints sur les toiles de fond étaient également des palais du XVIIème siècle.

                 

Les accessoires

Les accessoires étaient souvent des objets réels. Dans leur Mémoire, les décorateurs de l’Hôtel de Bourgogne précisent qu’à une toile peinte on préfèrera l’ajout de véritable « verdure ». Si l’on fait usage d’une fontaine, on la voudra « en grotte, coulante ou de peinture ». De l’eau pouvait donc apparaître sur la scène. De même, lorsqu’on en avait la possibilité, on utilisait du vrai raisin pour le décor.

Le sang, contenu dans une petite outre ou une éponge, jaillissait sous la pression de l’épée ou du poignard. Il s’agissait peut-être de vin rouge ou de sang de bœuf. 

Les animaux étaient figurés par des acteurs déguisés ou des imitations en toile ou en bois. Mais il est arrivé qu’un agneau vivant soit présent sur scène ou encore un cheval vivant pour la représentation d’Andromède de Corneille en 1682 : « On a représenté le cheval Pégase par un véritable cheval, ce qui n’avait jamais été vu en France », écrit Donneau de Visé pour le Mercure Galant. On le faisait entrer sur scène en lui tendant de l’avoine.

 

Personnages et attributs

Les personnages se reconnaissent grâce à des attributs : le seigneur a un chapeau à plumes, le roi une couronne, le bourreau une barbe, l’ermite une robe, le berger une houlette. 

Les acteurs de la farce puis de la comédie ont le visage masqué ou enfariné.

 

La couleur locale

Les scènes étant trop étroites, il était impossible de figurer des mouvements de foule. Deux soldats représentaient ainsi une armée.

Le classicisme ne se souciait pas de représenter la couleur locale. Les romanciers eux-mêmes ne mettaient pas l’accent sur cet aspect. On a tout de même eu le souci de distinguer l’Antiquité du XVIIème siècle à l’aide de l’habit à la romaine composé d’une cuirasse, d’un casque empanaché, d’une petite jupe appelée « tonnelet » et de brodequins. Les héros romains, grecs et orientaux portaient le même vêtement.

 

La couleur locale n’était que faiblement mise en valeur. Pour les spectateurs, les pays voisins ne se distinguaient pas de la France et l’Europe était une masse indifférenciée. Seule la civilisation musulmane avait une place à part et ses particularités étaient parfois mises en valeur. Il faudra attendre Voltaire pour que la couleur locale soit  prise en compte lors de la mise en scène.

 

Le personnage

Le personnage est un élément qui participe à une action. Son rôle est joué par un acteur. Il peut arriver qu’un auteur écrive une pièce en songeant à un acteur en particulier.

Certains acteurs sont célèbres au XVIIème siècle :

            Montdory

            Floridor

           Champmeslé

       Bellemore : cet acteur du théâtre du Marais était spécialisé dans les rôles de capitans vantards et ridicules, héritiers du miles gloriosus de la comédie latine. Corneille, dans L’Illusion comique, a créé pour lui le rôle de Matamore.

         Jodelet : il était célèbre pour sa laideur et sa voix nasillarde. Il a par exemple incarné le valet Cliton du Menteur de Corneille et joué dans Les Précieuses ridicules de Molière.

 

Il en va de même dans le milieu de la tragédie, même si à partir de 1630, les auteurs de pièces de théâtre sont avant tout des hommes de lettres et connaissent mal le milieu des comédiens. Lors de la querelle du Cid par exemple, Scudéry ( romancier, dramaturge et poète français) accusa Corneille d’avoir créé le personnage de l’Infante pour donner un rôle à une nouvelle actrice, la Beauchâteau.

Querelle du Cid : la pièce de Corneille va provoquer beaucoup de remous dans le monde du théâtre. D’un côté il connait un véritable triomphe, d’un autre ses détracteurs vont lui reprocher d’avoir écrit une tragi-comédie et donc d’avoir mélangé les genres et de ne pas avoir respecté les règles.

Racine lui-même crée ses personnages en fonction des actrices qui pourront les jouer :

        Quand la des Œillets prend de l’âge, Racine crée Britannicus et lui donne le rôle d’Agrippine.

         Il écrit Bérénice pour la Champmeslé au moment où elle entre à l’Hôtel de Bourgogne.

      Lorsque la troupe finit par engager une troisième actrice, la Beauval, Racine écrit des pièces contenant trois rôles féminins importants : Iphigénie et Phèdre.

Molière écrit le rôle de La Flèche, dans L’Avare, pour Louis Béjart qui boite. Harpagon le nomme « ce chien de boiteux-là » (I, 3)

 

L’unité de lieu

Les pièces préclassiques sont d’abord des récits. L’œuvre est avant tout écrite avant d’être représentée. Les auteurs racontent une histoire, veulent tout faire voir, multiplient les lieux et les personnages secondaires. Ils ne savent même pas parfois où se déroule l’action et l’on cherche après coup à déterminer le lieu où elle se passe. C’est ainsi que Corneille a procédé en écrivant Le Cid : sa pièce a provoqué tant de critiques qu’il a rédigé L’Examen du Cid où il écrit à propos du lieu : « On le détermine aisément pour les scènes détachées ; mais pour celles qui ont leur liaison ensemble, comme les quatre dernières du premier acte, il est malaisé d’en choisir un qui convienne à toutes. »

                   

La pompe au théâtre

Au XVIIème siècle, le peuple français aimait les représentations qui mettaient en scène du spectaculaire, les carrousels, les ballets, les bals, les feux d’artifice, les uniformes. De nombreuses pièces étaient avant tout écrites pour satisfaire le goût du public. On privilégiait ainsi le pompeux au théâtre.

D’après l’abbé d’Aubignac, la « pompe du théâtre » peut être obtenue « par le nombre ou par la majesté des acteurs, ou par un spectacle magnifique ».

Dans Rodogune de Corneille, les personnages sont de sang royal. La cérémonie a lieu devant un grand nombre de personnes en un « jour pompeux » comme l’écrit Corneille. Lorsqu’il est difficile d’introduire une foule sur la scène, elle est mentionnée dans les dialogues : dans Iphigénie de Racine,  Iphigénie dit à sa mère :

«  D’un peuple impatient vous entendez la voix » (V, 3)

Tandis que Clytemnestre s’écrie :

« Mais on se jette en foule au-devant de mes pas. » (V, 4)

Les danses et les chansons contribuent aussi à la pompe. Dans Andromède de Corneille, on chante des chansons (II, 1 et 2).

Le théâtre est un autre élément. A l’acte V, scène 5 de L’Illusion comique de Corneille, un spectateur affirme que la tragédie mise en scène a de « l’éclat » c’est-à-dire de la pompe.

 

Le merveilleux

Le merveilleux est également très recherché. Il existe plusieurs types de merveilleux :

      Le merveilleux chrétien : très prisé par les auteurs provinciaux, mais très peu présent dans les pièces classiques.

      Le merveilleux païen : Ulysse fait part de la présence de ce merveilleux dans Iphigénie de Racine : «  La flamme du bûcher d’elle-même s’allume » (V, 6)

      Le merveilleux de la magie : très apprécié à une époque où l’on croyait à la magie. Dans Médée, Corneille en fait un abondant usage d’autant plus que ce drame de la jalousie raconte l’histoire d’une magicienne. Dans L’Illusion comique, un magicien fait découvrir aux autres personnages des évènements passés et à venir.

 

Les personnages allégoriques introduisent également le merveilleux, notamment dans les prologues où ils permettent d’expliquer les intentions de l’auteur. Ils peuvent aussi servir à tirer une morale de la pièce, de faire allusion à l’actualité, de préparer l’exposition. C’est bien le rôle que joue la Nuit dans le prologue d’Amphitryon de Molière, mais aussi la France, la Victoire, la Paix, l’Hyménée, la Discorde et l’Envie dans La Toison d’or de Corneille, ou encore la Piété dans Esther de Racine. 

L’emploi du merveilleux va se raréfier dans la seconde moitié du XVIIème siècle où le théâtre va devoir respecter la règle de la vraisemblance. On va cependant continuer à le rencontrer dans le ballet. Molière en a fait usage dans Le Bourgois Gentilhomme où le merveilleux s’allie à la comédie. Dans Dom Juan, le dénouement est merveilleux et spectaculaire.

La tragédie à machines faisait usage du merveilleux. Elle était très populaire. L’opéra s’en inspirera à la fin du siècle. Elle recherchait la variété des lieux. Dans Andromède, Corneille met en scène la lutte de Persée contre le monstre (III, 3). Corneille écrit dans l’Argument que son « principal but a été de satisfaire la vue par l’éclat et la diversité du spectacle, et non pas de toucher l’esprit par la force du raisonnement, ou le cœur par la délicatesse des passions. » La Toison d’or est encore une tragédie à machines. Elle a eu un immense succès. Elle contient de nombreux spectacles merveilleux. 

Le prix des places pour ces spectacles était le double de celui des représentations habituelles. Les machines étaient parfois défectueuses, mais les spectateurs se passionnaient pour les danses, les chants, la musique, les décors, l’apparition extraordinaire des dieux et des déesses  sur des nuages.

 

Ce document regroupe ces quelques informations sur la représentation au XVIIème siècle en en soulignant quelques-unes des caractéristiques :  La_representation_theatrale_converti

 

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